Figure 1 : Opérations constitutives de l'acte d'écriture (MENR, 2016)
Sylvie Plane (Plane, 2014) propose un schéma (Figure 2) organisant la somme de compétences mobilisées par l’élève en situation de production d’écrit. Celles-ci concernent l’acte graphique, la production de texte en elle-même et la mise en œuvre du système orthographique. Ces grands axes sont eux-mêmes constitués de composantes relativement complexes, qui ne seront automatisées, puis perfectionnées, qu’en cycle 3 ou 4, après de nombreux enseignements.
Figure 2 : La complexité de l'activité d'écriture (Plane, 2014)
Ces différents modèles, s’ils permettent de mettre à jour tout ce que contient l’acte d’écriture, font également émerger sa complexité.
Le modèle d’Hayes et Flower, dans sa version originale, illustre combien l’articulation des opérations de planification, mise en texte et révision n’a pas la linéarité du tableau simplifié (référence à la Figure 2). Chez le scripteur expert, ces opérations sont le plus souvent réalisées simultanément ou alternativement. Ce modèle a été conçu à partir de données issues de travaux portant sur l'adulte. Il n'est ni immédiatement transposable à l'enfant ni adapté aux questions relatives à l'apprentissage.
Fayol (Fayol, 2015) propose un modèle adapté aux élèves de l’école élémentaire, faisant apparaitre la combinaison des savoirs et savoir-faire en jeu dans l’écriture d’un court texte (Figure 3). Là encore, si ce schéma peut laisser croire à une certaine linéarité, la pratique montre qu’au moment d’écrire, l’élève va parfois faire évoluer sa planification initiale, devant une difficulté orthographique par exemple.
Figure 3: Des savoirs et des savoir-faire (Fayol, 2015)
Si l’on se place du côté des compétences catégorisées par Sylvie Plane dans la Figure 2 , « la difficulté est triple : d’une part, ces compétences [l’acte graphique, la production de texte en elle-même et la mise en œuvre du système orthographique] ne sont pas mobilisées successivement mais simultanément ; d’autre part elles sont elles-mêmes complexes, leurs composantes étant autant d’objets d’enseignement-apprentissage. Enfin, à l’entrée au cycle 2 notamment, aucune de ces composantes n’est automatisée. Ainsi au CP, l’attention est très largement requise pour tracer les lettres » (Ministère de l’Éducation Nationale et de la Recherche, 2016).
Gérer la complexité de la tâche d’écriture requiert un apprentissage : l’accumulation de micro-compétences et de savoirs ponctuels ne se transforme pas spontanément en une compétence complexe. Compte tenu de cet enchevêtrement, on peut se demander s’il est légitime de la proposer à des élèves lecteurs débutants. Cette tâche ne serait-elle pas prématurée ?
L’étude Lire Écrire CP (Goigoux, 2016), a soumis 2057 élèves en fin de CP à une tâche de production écrite autonome. Il s’agissait de vérifier l’hypothèse selon laquelle « non seulement la plupart des élèves peuvent, en fin de CP, s’essayer seuls à la production de phrases ou d’un petit texte, mais encore que la pratique précoce peut expliquer certains écarts de performance en fin d’année dans les performances globales en lire-écrire ». L’épreuve consistait en la production d’une histoire sur la base de quatre images montrées par l’évaluateur.
Six analyseurs ont été retenus pour cette épreuve : la longueur du texte produit, la segmentation, la lisibilité, la présence de séparateurs d'idées, la quantité d’informations et les traces de narration. Pour la production de textes, si l’on se réfère au score global obtenu par cumul des scores des six analyseurs (total /27), les résultats obtenus sont les suivants : trois quarts des 2507 élèves ont plus de la moyenne ; la moitié des élèves se situe entre 14 et 19/27, un quart entre 14 et 17/27 ; un cinquième des élèves a obtenu un score égal ou supérieur à 20.
« Les résultats obtenus au test que les élèves ont passé à la fin du CP montrent qu’il est pertinent de s’intéresser aux performances en production d’écrit. En effet, une grande majorité des élèves montre déjà des capacités importantes en production autonome d’écrit narratif. De telles capacités, ainsi que leurs effets positifs sur les apprentissages dans plusieurs dimensions du lire-écrire, sont souvent ignorées des acteurs de terrain, certains jugeant à priori l’épreuve trop difficile voire inadéquate, car excédant de beaucoup les possibilités d’enfants de cet âge ». (Goigoux, 2016)
Il est donc légitime de proposer des tâches de production d’écrit aux lecteurs débutants, et ce malgré leur complexité.
Les programmes 2016 mettent l’accent sur l’écrit, la diversité et la régularité des pratiques, l’importance de la planification. Il apparait que cette activité est particulièrement complexe mais réalisable par les élèves. Qu’en est-il de son enseignement ?
3. À apprentissage complexe, enseignement complexe
4. L’écrit au CP, qu’est-ce que c’est ? (Pratiques, temps, efficacité)
5. Les difficultés évoquées par les enseignants
6. Et quand on sait tout ça, on fait comment ?
Fayol, M. (2015). Apprendre la Production Verbale Écrite de textes contribution CSP. Consulté à l’adresse http://cache.media.education.gouv.fr/file/CSP/26/5/Fayol_Michel_-_Professeur_Emerite_-_CSP_Contribution_395265.pdf
Goigoux, R. (Dir.)(2016). Lire Ecrire, étude de l’influence des pratiques d’enseignement de la lecture et de l’écriture sur la qualité des premiers apprentissages. Consulté à l’adresse http://ife.ens-lyon.fr/ife/recherche/lire-ecrire/rapport/rapport
Ministère de l’Education Nationale et de la Recherche. (2016). Français - Français cycle 2 - Ecriture - Éduscol. Consulté à l’adresse http://eduscol.education.fr/cid105737/francais-cycle-ecriture.html#lien2
Plane, S. (2014). Contribution aux travaux des groupes d’élaboration des projets de programmes C 2, C3 et C4. Consulté à l’adresse http://cache.media.education.gouv.fr/file/CSP/17/6/Plane_Sylvie_-_PU_-_CSP_Contribution_374176.pdf