Les risques les plus importants sont la déconnexion et l’allongement des temps didactiques.
Il y a déconnexion des temps didactiques lorsqu’il n’y a pas ou peu de lien entre l’activité de la classe « ordinaire » et celle avec le maître supplémentaire. L’élève fragile ne parviendra pas à créer ce lien, cette connexion seul, et vivra donc l’école comme une juxtaposition de séances indépendantes les unes des autres. Il ne réinvestira pas les apprentissages réalisés d’un temps à un autre.
Lorsque l’on prépare les actions de manière large, il nous faut donc penser ensemble à cette connexion des temps entre celui mené par le maitre de classe et celui mené par le maitre supplémentaire il nous faut y penser également lors de la préparation plus fine de la séance, pour trouver, lorsqu’il y a déconnexion, les moyens de re-lier les apprentissages. C’est alors anticiper sur des objets de transition qui peuvent être nommés des objets nomades ou migrants (Tambone, 2014), comme un retour oral à la classe à propos du vécu en groupe, la transmission des préparations à l’autre enseignant, un échange entre MC et M+ autour de points qui ont soulevé l’attention au cours de la séance, ...
Le temps didactique se trouve allongé lorsque les mêmes apprentissages sont réalisés par deux fois : avec le maitre supplémentaire et avec le maître de la classe. Au départ du projet, une de mes collègues osait exprimer ses craintes : « Comment je vais avancer dans le programme, entre la piscine, la bibliothèque et les temps PMQC ? ». Il lui était difficile de concevoir, d’accepter que les apprentissages de ses élèves puissent avoir lieu ailleurs qu’en sa présence. Le dispositif apparaissait alors comme chronophage, pour les enseignants et pour les apprentissages.
C’est la préparation commune, la détermination des objectifs à poursuivre lors de chaque intervention, qui va permettre d’éviter cet écueil. Si ce qui est fait avec le maitre supplémentaire est décroché de la classe, de ses progressions, en effet il y a une perte de temps. Enfin, il faut un peu de temps pour qu’une confiance mutuelle s’installe ; confiance en l’autre qu’on laisse pénétrer dans son univers, confiance en l’autre en tant que professionnel qui pourra se substituer à nous, à notre enseignement. Et ce dans les deux sens, du maitre de classe vers le maître supplémentaire et inversement. Car s’il nes pas simple pour le MC de confier une partie des apprentissages au M+, il n’est pas simple non plus pour le PMQC de n’agir que sur un temps limité de l’enseignement.
Cette connexion des temps didactiques trouve écho en moi avec les « gestes de tissage » de Dominique Bucheton :
Vous mettez en avant une catégorie de gestes plus ou moins mobilisés par les enseignants et qui selon vous « fait la différence », vous nommez ces gestes « gestes de tissage ». De quoi s’agit-il ?
La métaphore du tissage renvoie à l’idée que le savoir se construit d’abord dans le « déjà là » : le substrat de la culture, de l’expérience de chacun, qu’elle soit scolaire, familiale ou autre. Mais elle insiste sur la dynamique spécifique du savoir en situation scolaire, faite d’une multitude de tâches et d’activités, qui se succèdent à grande vitesse sans que les élèves voient le but cognitif à atteindre. Les microgestes de tissage de l’enseignant permettent de construire le sens de la situation : ce qu’on a appris, ce qu’on cherche à comprendre ou à faire, pourquoi, comment ? Si on trouve ces gestes de reprises parfois en début de cours, on constate qu’ils disparaissent souvent entre les tâches comme si la succession de celles-ci suffisait à en construire le sens. Ils sont quasi oubliés en fin de cours au moment où il faut faire l’ourlet pour que l’ouvrage ne se délite pas. Ces gestes de tissage sont essentiels pour les élèves « décrocheurs », ou pour les élèves « suiveurs passifs » qui « font » consciencieusement les tâches sans en comprendre la finalité.
Extrait, propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk, Cahiers Pédagogiques
Pour écouter la conférence de Marie Toullec-Théry, c’est ici (40minutes).
Pour en savoir plus sur le dispositif et lire les travaux du comité de suivi et d’autres documents intéressants, cette page d’Eduscol.
Marie Toullec-Théry, Roland Goigoux et Patrick Picard, tous trois membres du comité de suivi national, conduisent actuellement une enquête sur les pratiques professionnelles et les modalités d’intervention des maitres supplémentaires. Des résultats à surveiller...
Merci à Marie Toullec-Théry de m'avoir permis de partager ici son travail!
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