Un plan d'attaque massé pour les CE1 non lecteurs

Très franchement, on atteint là les limites du rôle du PMQC. Ces élèves ont de grosses difficultés d’apprentissage, ils relèvent davantage du rôle du RASED et auraient sans doute besoin d’un suivi extérieur à l’école. Mais un maitre E présent 1 jour par semaine ne peut suffire, donc comme dans bien des cas, on pallie du mieux qu’on peut aux insuffisances structurelles. Ce n’est pas sans nous poser question, on a toujours une réflexion sur le plus important à un temps T. Ça fait partie des dilemmes professionnels auxquels on doit tous faire face.

Alors voilà le « plan d’attaque » :

 Quelques principes à ne pas oublier :

*S’adapter à leur rythme. Laisser du temps pour ancrer. Ne pas vouloir « rattraper » 6 mois de CP en 3 semaines.
*Ne pas les prendre comme des cerveaux vides--> ne pas se priver d'insérer des sons non vus avec moi, ils y ont forcément été confrontés à un autre moment.
*En classe entière, ils travailleront sur les mêmes textes que les autres en lecture compréhension, avec des adaptations (textes syllabés, lecture par l’adulte). L’exigence sera différente pour le décodage, pas pour la participation en compréhension.
*Faire explicitement le lien entre le travail systématique sur les sons et le projet de lecteur, donner du sens à ce travail systématique.
*Utiliser en classe le travail avec PMQC : objet migrant : sous-main évolutif des sons.

On va être là dans un travail très systématique, technique, sur des compétences de bas niveau, pas folichon mais nécessaire quoi… Je vais essayer autant que possible d’utiliser le jeu afin que ce ne soit pas trop rébarbatif(pour eux comme pour moi!).

Au cours d’une même séance, on pourra travailler la lecture de tableaux de syllabes, de mots puis de phrases, et l’encodage. Si le décodage et l’encodage de syllabes, de mots de même niveau seront couplés, la lecture des syllabes, mots, phrases, textes seront réalisés en tuilage. Par exemple, quand on lit les tableaux de syllabes avec un son complexe (rou/pou/fou), on lit les mots écrits avec des syllabes simples (mari, fumé, café). L’idée est vraiment d’y aller progressivement, en accumulant pas les difficultés sur une même séance.

Je vais donc préparer des supports différents, que je mixerai selon les séances. Avant je mettais sur une même fiche tableaux de syllabes, mots, texte sur un son, et ça n’allait pas. La nouveauté était à peine appréhendée sur les syllabes qu’elle devait être utilisée sur des mots et textes.

Lecture de syllabes :

Il s’agit de tableaux d’imprégnation syllabique. C'est une "méthode de lecture" développée par Dominique Garnier-Lasek, orthophoniste.

 Je blablate déjà assez, je vous renvoie à cette page qui explique ça très bien.

Les 2 premiers tableaux sont là « pour voir ». J’aviserai ensuite de là où aller, mais je pense qu’il faudra en passer par quelques tableaux avec syllabes simples (rimes en i,u…) pour re-systématiser après 2 mois de vacances. On passe ensuite aux tableaux avec digrammes. Dans la progression habituelle de l’imprégnation syllabique, on arrive ensuite aux syllabes cv avec attaque constante (bau, ba, bon, boi…), puis aux syllabes ccv et cvc, puis aux groupes multigraphes (elle, ette, ill…) et à un panachage, mais je doute qu’on arrive jusque-là.

Les activités possibles : lecture en chenille, loto, on montre/ ils lisent, on lit/ils montrent.

Pour varier, on peut reprendre l’idée du jeu alphas bang avec des étiquettes syllabes. 

Lorsque l’on arrivera aux digrammes, j’utiliserai le code couleur et le type d’affiche de Filaphinou. Le ou en rouge, le on en marron… Ça marche vraiment bien ! Les sons sont entourés en couleurs, jusqu'à ce qu'ils soient acquis. On enlève les couleurs une par une, pas forcément au même rythme pour chaque élève.

imprégnation syllabes

 Lecture de mots

Dans un premier temps, on pourra faire lire des pseudo-mots, composés des syllabes étudiées. Je les appelle les « formules de sorcière ».

Les vrais mots sont rangés par ordre de difficulté et par son. Ils sont syllabés (alternance bleu/rouge).

imprégnation mots

 Lecture de phrases

Les phrases sont rangées de la même façon. Il faudra absolument à ce moment travailler la représentation mentale de ce qui est lu. On pourra faire dessiner le contenu de la phrase, faire raconter ce que l’on voit dans sa tête.

imprégnation phrases

 Lecture de textes 

Je me sers des textes de du site JMTR, mais j’ai malheureusement l’impression que celui-ci n’existe plus. Du coup je me permets de mettre ceux que j’ai en ligne ici, si l’auteur passe…

textes JMTR ou on oi eau in

Il existe aussi des textes dans l’imprégnation syllabique, avec les digrammes panachés. Je vous en mets un exemple.

texte imprégnation ou oi on an ai souris

 Les activités d’encodage

Lire ne va pas sans écrire, les 2 compétences seront menées de front. Les élèves seront donc amenés à écrire des syllabes, des pseudos mots, des mots. L’écriture de phrases est beaucoup travaillée en production d’écrit, donc je ne suis pas sûre d’en faire.

En plus des traditionnelles dictées, sur ardoise, feuille, sur le tableau, je pense réinvestir un outil que j’utilise en GS en phono : Le train des mots. C’est un outil très intéressant développé par André Ouzoulias, qui travaille la relation phonème/graphème en s’appuyant sur la syllabe (des infos sur le site Retz ici). Ici, je vais un peu détourner son usage.

Le principe : une image dans la loco, une syllabe par wagon. On masque les wagons vides, puis on « remplit » les wagons avec les syllabes écrites. On est à mi-chemin entre le codage et le décodage. Soit on met à disposition les syllabes sur des étiquettes, soit l’élève doit les écrire, soit on mixe les 2 (écrire ce qu’on sait, puis chercher les syllabes qui manquent parmi un stock en prenant des indices).

Exemple avec un mot simple : on place les images, puis on syllabe ( ?) chaque mot, masque les wagons inutiles et on cherche si on a les syllabes dans notre stock du jour. Si on y arrive, on peut aussi placer les autres syllabes. ex: son [a] lavabo, cinéma, canapé, radis.

Exemple avec les formules de sorcières : on pose ca/pu/ri puis l'élève le lit et l’inverse: je dis "capuri" et l'élève trouve et place les syllabes dans le train.

Autre exemple, pour le travail sur un phonème particulier : On veut travailler le phonème on par exemple: on dispose les 4 images, l'élève cherche où se situe la syllabe du son on, met un jeton pour localiser, puis dispose les autres syllabes avant d'encoder celle qui manque au crayon woody (permet de vérifier qu'il ne s'est pas trompé de place, de se corriger éventuellement).

Je me suis fabriqué une planche de train, beaucoup moins belle que l’originale… J’agrandis en A3, plastifie, ce qui permet d’écrire dessus au Woody ou feutre ardoise.

train des mots support

 Les mots les plus fréquents

Je me demande s’il ne faut pas que l’on travaille en même temps la lecture globale des mots fréquents. Il faut que je voie avec ma collègue. Ces mots sont très importants (70 mots constituent 50 % de tous les mots de n’importe quel texte, cf. Ouzoulias).

Dans ce cas, je travaillerais sous forme ludique avec mon jeu du trésor des mots (Je le présente ici)

Et des courses aux mots fréquents: ils lisent la liste, on note le temps OU ils ont 1 minute pour en lire le plus possible.

 Objet migrant

« Ces objets peuvent être pointés par [chaque] enseignant pour identifier un savoir commun aux deux systèmes » (Nédélec-Trohel, I. & Tambone, J., 2012 »

C’est une des résolutions que je voudrais vraiment tenir cette année.

Pour cette action, il s’agira d’un sous-main sous pochette coin sur lequel on viendra coller des autocollants, affiches en miniature des (re)découvertes au fur et à mesure. Une couleur sera associée à chaque son complexe (on/marron, è/violet…), et les Alphas et leurs petites histoires seront de la partie, car utilisés en CP. (Sur le principe des affiches de Filaphinou ici). Ce sous-main sera réinvesti en classe dans les situations de lecture et d’écriture. Le travail mené avec le PMQC sera pris en compte en classe.

 Je suis vraiment désolée de pondre des articles si longs, j’espère que ce n’est pas trop indigeste, il faudrait vraiment que je travaille la concision ! Ecrire m’aide à réfléchir et m’oblige à être claire dans ce que je propose, mais ce n’est peut-être pas clair pour vous !

Edit: L'immense, la géniale Delfynus travaille dans la même direction, ses outils ici!

Epreuve de rattrapage : Très cher Georges, si tu passes ici ET que tu es arrivé au bout (bravo !), laisse un message !