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La production d'écrit chez le lecteur débutant, une difficulté ? (7)
Cet article fait partie d’une série.
- Introduction
- Écrire, côté élèves
- À apprentissage complexe, enseignement complexe
- L’écrit au CP, qu’est-ce que c’est ?
- Les difficultés évoquées par les enseignants
- Et quand on sait tout ça, on fait quoi ??
Et quand on sait tout ça, on fait quoi ? (Bis)
Dans l’article précédent, j’évoquais les différentes manières de proposer aux élèves de produire des écrits, et les conséquences de ces choix sur les compétences mobilisées. Je n’ai bien évidemment pas dressé un panorama complet de tout ce que peut être la production d’écrit avec des lecteurs débutants ; les documents d’application à ce sujet sont extrêmement bien faits, profitons-en !
Un scénario possible : les situations génératives
L’un des scénarios pédagogiques que nous employons le plus est celui inspiré des situations génératives d’Ouzoulias. J’ai déjà évoqué cette démarche à de multiples reprises sur cet espace, mais cette série d’article permet de refaire un petit point. Il s’agit dans ces situations de « proposer aux élèves d’écrire de nouveaux textes en transformant localement un texte-matrice, qui sert de point de départ (Ouzoulias, 2004) ».
Le texte-matrice, qui peut être issu de différents types de textes (comptine, portrait, recette, lettre, …) est tout d’abord lu par l’adulte, puis mémorisé. Les élèves sont amenés à le redire en montrant les lignes, puis en pointant les mots les uns après les autres. Ils sont aidés dans cette tâche par l’organisation du texte en clauses (segments qui sont isolés dans la prosodie, autrement appelés « groupes de souffle »). Au fur et à mesure de l’apprentissage de la lecture, la mémorisation et la récitation seront supplantées par la lecture. Au terme de cette première phase, les élèves peuvent retrouver l’emplacement des mots du texte.
La deuxième phase consiste en la planification orale des nouveaux textes. Du texte de base, l’enseignant extrait la matrice, la structure, par exemple en barrant les mots à modifier. La classe cherche alors quels mots nouveaux pourraient remplacer les originaux, et constitue alors des listes de mots appartenant à la même catégorie (couleurs, vêtements, animaux, …). Ces mots sont répertoriés sur des affiches ou référents individuels.
Après avoir préparé son texte à l’oral, l’élève peut passer à l’écrit. Il a alors en sa possession tous les référents nécessaires à l’écriture.
Quelques principes :
- Une grande fréquence : il s'agit ici de faire pratiquer des écrits courts aux élèves : écrire souvent, écrire beaucoup, mais avec des textes volontairement courts afin de libérer les motivations et l'autonomie des élèves.
- Une rigueur orthographique de tous les instants : il s'agit de tendre à ce que les élèves écrivent le plus possible correctement, en développant le doute orthographique. Pour cela, il est nécessaire qu’ils aient à leur disposition des outils divers et fonctionnels leur permettant d'orthographier correctement les mots utilisés.
- Un cahier d'écrivain, qui permette de garder trace de cet enseignement, des progrès de l’élève, et qui devienne à son tour un outil de référence.
- Écrire pour être lu, pour lire aux autres : la production d'écrit ne doit pas être un exercice, il s'agit d'un moyen d'expression. Afin de donner du sens aux écrits, à l'exigence de soin, de précision orthographique, de cohérence, l'idée que l'on écrit pour être lu par un tiers est omniprésente.
Une séance à la loupe : A partir de « Toc ! Toc ! Qui est là ? » d’Anthony Browne et Sally Grindley
L'album de référence est lu à la classe par la maitresse. Le projet est d’écrire chacun une nouvelle page à cet album, et d’ainsi en reconstituer un nouveau.
La structure répétitive est dégagée. Les élèves se rappellent de la structure, et la dictent à la maitresse en épelant les mots.
Les élèves doivent inventer un nouveau personnage, ses caractéristiques, et l'action qu'il pourrait réaliser contre la fillette.
Des idées possibles sont proposées par les élèves à l'oral, et certains proposent ce qu'ils écriront exactement.
Chacun se met à écrire. Pour certains élèves, la production sera validée à l'oral avant de passer à l'écrit.
Ex : L'élève veut écrire :
Les élèves écrivent directement leurs phrases sur papier, dès lors qu'ils ont accès à l'orthographe des mots (affichage, lexique, liste de mots). Ici, ils peuvent écrire directement:
Les débuts de phrases sont écrits au tableau, il s'agit de la structure générative.
Les mots "sorcière" et "jaune" figurent dans le lexique en image des élèves, ils ont déjà été employés plusieurs fois.
"petit" a été rencontré à plusieurs reprise, la plupart des élèves ont une mémoire photographique du mot et l'écrivent sans erreur. Sinon, ils peuvent aisément le trouver dans l'un de leurs textes de lecture.
Quand ils doivent encoder des mots ("grosse", "transformerai", "pois"), les élèves doivent le faire sur leur ardoise. L'erreur est possible, sans "conséquence", elle fait partie du processus d'apprentissage. L'élève encode le mot selon ses connaissances phonologiques, puis l'adulte vérifie l'orthographe du mot.
Les interventions du maitre :
- L'autocorrection est privilégiée :
En cas d'erreur dans la transcription de son, le maitre encourage l'élève à relire exactement ce qu'il a pu écrire (idem lors d'un oubli de mot).
En cas d'erreur dans le choix de la graphie, il met en recherche l'élève. Ex: dans "transformerai", ce n'est pas le [en] de dent mais celui de fantôme. L'élève doit s'appuyer sur les affichages de la classe pour se corriger. Pour éveiller l’élève au questionnement orthographique, on peut l’interpeler différemment : « Dans transformerai, on entend bien ce que tu veux écrire, mais l’un des sons s’écrit différemment, lequel à ton avis ? ».
L'élève peut également être interpelé sur les marques de début et fin de phrases, les pluriels des noms.
- Lorsque l'autocorrection n'est pas possible :
Certaines erreurs, certaines particularités de la langue française ne sont pas encore accessibles aux élèves. Dans ce cas, le maitre donne l'orthographe du mot (ex : le s muet de "pois").
Dans le dernier article (je crois…), j’essaierai de montrer en quoi cette démarche des situations génératives permet de répondre à beaucoup de difficultés, des enseignants et des élèves. J’essaierai de répondre aussi à quelques-unes des questions qui se posent à l’enseignant, en donnant mon point de vue (qui vaut uniquement ce qu’il vaut…). Si vous avez des questions allez-y !
Articles suivants :
8. Vous avez des questions ?
Bibliographie :
Ouzoulias, A. (2004). La production de textes courts pour prévenir les difficultés dans l’apprentissage de la lecture et/ou y remédier. In Comprendre et aider les enfants en difficulté scolaire. (Retz-FNAME, p. 149–202).
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