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Un court projet d’écriture : jouons la carte de la fraternité
Mes collègues de cycle III ont décidé de se lancer dans le projet "Jouons la carte de la fraternité" de la Ligue de l’Enseignement. Ce projet est très simple à mettre en œuvre, et a donné lieu à quelques séances très intéressantes en EMC, langage oral et production d'écrit, c'est pourquoi je vous en parle. Il n'est peut-être pas trop tard pour participer à cette action, dont le clou est prévu pour la « Journée internationale pour l’élimination des discriminations » du 21 mars mais qui peut en réalité faire sens n'importe quand dans l'année.
Le principe:
Chaque année, autour de la « Journée internationale pour l’élimination des discriminations » du 21 mars, plus de 100 000 enfants et jeunes adressent un message de fraternité à des inconnus dans leur département sur une carte postale à 3 volets, invitant le destinataire à répondre. Une relation inédite se créée, fondée sur l’échange et la sensibilité…
Un comité sélectionne 6 photographies qui seront imprimées sous la forme de cartes postales. Par l’intermédiaire des fédérations départementales, ces cartes sont présentées en classe, un travail de lecture, de décryptage et de commentaire d’images est alors effectué. Les fédérations départementales de la Ligue de l’enseignement qui relaient l’opération peuvent être présentes pour favoriser l’expression des jeunes sur les thématiques de la fraternité, du racisme, de la discrimination, de la solidarité, également pour les faire travailler sur la formalisation de cette expression par le biais d’ateliers d’écriture.Plus de détails sur la page de l’opération, et un excellent dossier pédagogique.
Les photos du projet de cette année:
Ces photos, individuellement, ne sont pas toutes "lisibles" pour les élèves, ou pas aisément rattachables au thème de la fraternité. C'est l'analyse de l'ensemble et la récurrence des mots employés qui vont permettre de dégager les "pareils".
Le déroulement:
Voilà comment nous avons mené les séances, dans une classe de CE2/CM1 et dans une autre de CM1/CM2. Le projet permet toutes sortes d’entrées différentes.La première séance se déroule en grande partie à l'oral.
Sans que la suite du projet ou la thématique ne soit évoquées, nous avons affiché les 6 reproductions fournies au tableau en les numérotant. Nous avons demandé aux élèves de les observer, puis d'écrire sur un brouillon le numéro de l'image qu'il préférait et pourquoi.
--> Ce bref passage à l'écrit oblige l'élève à se faire sa propre opinion, et à commencer à réfléchir.Ensuite, nous avons pour chaque image, demandé aux élèves l'ayant choisie d'expliquer pourquoi en s'appuyant sur ses notes. Bien sûr, les élèves ayant fait un autre choix pouvaient également s'exprimer.
L’une des enseignante menait la discussion, l’autre prenait des notes sur les interventions, quantitatives et qualitatives, avec en particulier un listing des termes prononcés qui pouvaient avoir du sens par rapport au vivre ensemble.
Les premiers commentaires sont très formels, sur les couleurs, c'est rigolo, c'est joli... Le consensus est assez fort, et les propos restent assez autocentrés. Cette phase nécessaire n'est pas très riche.
Dans un deuxième temps, les élèves peuvent revenir sur une photo de leur choix, et dire de nouvelles choses, rebondir sur ce qu'a pu dire un camarade. Les dissensus permettent alors d'avoir des échanges un peu plus profonds: "Vous dites que vous aimez la 5 parce qu'elle montre la guerre, mais on peut pas dire qu'on aime la guerre!"; "La 3 est triste, on ne peut pas la trouver belle"...Vient alors un débat sur le fond et la forme, ce qui fait qu'une image nous fait réagir, qu'on l'apprécie ou pas. On a eu un magnifique "C'est beau dans mes yeux mais triste dans mon cœur".
Dans la classe des CE2/CM1, quelques élèves, un peu plus au fait de l'actualité ou ayant peut-être davantage l'habitude de discuter avec leurs parents sur le monde ont permis à la discussion de prendre de la profondeur. La situation des réfugiés a été évoquée, la solidarité et les différences ont été assez vite au cœur des discussions. Un élève a conclu que depuis un moment, on était en train de parler du vivre ensemble.
Dans la classe des plus grands, ça a été beaucoup plus compliqué, la réflexion ne s'épaississant pas. Ils étaient beaucoup dans les « peut-être », dans la recherche du hors-cadre. J'ai alors expliqué aux élèves que le photographe avait fait des choix en prenant ces photos. Comme un auteur, il a choisi ce qu'il voulait nous montrer pour nous dire quelque chose, nous passer un message, nous interpeller. Ils ont alors cherché quels messages pouvaient être inférés des photos, et la discussion s’est étoffée. En conclusion, je leur ai demandé d'écrire le titre qu'ils choisiraient pour cette exposition. Le mot aide est celui qui est revenu le plus, sous formes diverses. Je leur ai ensuite donné le titre de l’opération, et nous avons discuté du mot « fraternité ».
Dans cette séance, on est sur un travail de l'oral que l'on rend explicite aux élèves: on apprend à parler, à expliquer quelque chose, à donner son avis et à prendre en compte celui des autres. Certaines formulations peuvent être mises en valeur: "je rebondis sur ce qu'a dit..., Je suis d'accord avec ...parce que ..., je pense que ... parce que".
Dans la mesure du possible, on demande aux élèves de justifier leur propos, d'être clairs auprès de leurs camarades lorsqu'ils expriment leurs pensées. Il est difficile pour certains de se décentrer et de verbaliser leurs cheminements.La seconde séance est une séance de production d’écrit. Elle a lieu quelques jours plus tard.
Les images n’étaient pas visibles au début de la séance. Nous les avons évoquées pour se rappeler la discussion précédente, et les grandes idées que nous avions évoqué.
Nous avons alors proposé le projet aux élèves : Livrer un message sur le vivre ensemble à un inconnu.
Les mots relevés lors de la séance 1 avaient été saisis puis rangés alphabétiquement avant d’être donnés aux élèves. Ils devaient en choisir 5 (ou plus) qui les inspiraient, et écrire ce que ça leur évoquait, ce qu’ils pensaient et qu’ils avaient envie de partager à un inconnu à ce sujet.
La situation les a beaucoup motivés, l’écriture d’une lettre réellement envoyée étant un projet souvent très engageant pour les élèves.
Pas de « panne d’idée », grâce au lexique inducteur et à la discussion riche des jours précédents. Mais cette discussion était en même temps trop lointaine pour qu’ils puissent « copier-coller » les propos de camarades sans se les être appropriés.
Après une écriture au brouillon, les messagers ont pu recopier leur texte sur les cartes postales fournies, en choisissant la photo qu’ils préfèrent. Je vous livre mon message préféré, l’auteur est consentant !
Et l’extrait d’une autre petite perle :
Nous espérons que nous aurons des retours après de si beaux messages !
Edit du mois de mai: On a reçu des réponses! Merveilleuses, j'encourage vraiment à participer à cette opération!! En voici une:
NB : Les photos sont disponibles sur le site de l’opération, ainsi que des vidéos très courtes dans lesquelles le photographe les commente, dans le fond comme la forme.
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Tags : eleve, EMC, fraternité, discussion, lettre
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Commentaires
Coucou les vacanciers! Oui, maitresse bien contentes de ces écrits!
Je transmettrai aux auteurs...
4AgatheMardi 9 Février 2016 à 17:41Bonjour,
Votre article m'a convaincue, et je vais me lancer. Je viens de commander les cartes et je voudrai faire l'analyse des photos et un premier jet d'écriture avant la fin de la semaine, afin de pouvoir rédiger les cartes au propre, dès réception, après les vacances.
Mais comment se présentent elles? Par quoi les élèves doivent ils faire commencer leur écrit?
Merci-
Mardi 9 Février 2016 à 18:13
Bonjour, ravie d'avoir convaincu!
Les cartes sont en 3 volets, et peuvent être repliées pour faire enveloppe en même temps. D'un côté l'image, et la place pour l'adresse..., de l'autre, un volet explicatif, un autre pour écrire le message (taille carte postale) et un autre pour la réponse du destinataire. On peut cliquer sur la 1ère image de l'article pour agrandir et mieux voir.
Nous n'avons pas imposé une forme traditionnelle "lettre" aux élèves pour notre part, ils ont directement écrit ce qu'ils voulaient dire, sans mettre "cher" au début ou sans plus d'explication.
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5StideMercredi 10 Février 2016 à 08:41Bonjour Julie,
Je viens de découvrir votre blog, je suis enseignante à distance en CE2 et CM2.
Notre milieu, en pleine mutation, nous impose à nous tuteurs, un nouveau défi : créer des activités collaboratives...
Voilà un magnifique sujet que je vais tenter d'adapter à ma classe "virtuelle".
La partie orale devra bien sûr être retravaillée mais quelle belle opportunité que de tenter de rapprocher et de se faire connaître mes élèves disséminés partout dans le monde !
Bravo et merci pour vos échanges !
Magali
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Mercredi 10 Février 2016 à 14:32
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Superbe projet ! J'espère que vous aurez plein de réponses ! Et je suis entièrement d'accord : moi aussi je préfère rigoler sans guerre...
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C'est magnifique, aussi bien l'idée du projet que les réflexions qui ont émergées, mais aussi la mise en mots.
Encore une fois merci pour ce nouveau projet et ce nouveau partage !